Introduction
Lorsqu'on pense à installer une pièce neuve ou d'occasion sur un aéronef léger il ne suffit pas seulement d'avoir le bon composant. Il faut s'assurer que l'on dispose de bons pouvoirs pour intervenir sur l'appareil mais aussi que le(les) document(s) libératoires qui accompagnent notre pièce sont acceptables afin de garantir une traçabilité et une conformité parfaite vis à vis du règlement.
⚠️ Note: cet article englobe uniquement le cas des aéronefs soumis à la Partie-ML du règlement EU 1321/2014.
Les intervenants
Dans le milieu de l'aviation légère française en Partie-ML il existe trois types de structure qui détiennent les autorisations de délivrance des documents libératoires sur des pièces :
- Un organisme Part-21 G
est un organisme agréé dit de "production" qui peut délivrer des certificats libératoires tels que l'EASA Form 1 sur un équipement neuf ou usagé. - Un organisme CAO
représente un organisme combiné de gestion du maintien de la navigabilité et celui de la maintenance. Il assure à la fois la navigabilité et l’entretien d’un aéronef. Il est également habilité à délivrer des certificats libératoires sur des pièces d'occasion qu'il entretient. A noter que les procédures associées doivent être définies dans le CAE de l'organisme conformément au point CAO.A.070 du règlement EU 1321/2014. - Un organisme Part-145
est un organisme de maintenance pur. Tout comme le CAO il peut également délivrer des certificats libératoires mais en plus de cela il a l'avantage de gérer des pièces sur des appareils en Part-M.
Ces trois types d'organismes peuvent non seulement émettre des certificats libératoires, comme la fameuse Form 1 mais également assurer l'installation des pièces en conformité avec la documentation réglementaire applicable (ex: AMM, CMM etc.).
En dehors des structures agrées la pose des pièces (avec le certificat libératoire associé) peut être assurée soit par :
- Un mécanicien indépendant
qui ne fait pas partie d'un organisme et qui détient une Licence 66. Il est important de préciser que le mécanicien doit être qualifié sur le type de machine sur laquelle la pièce sera installée et que les éventuelles limitations inscrites sur sa licence ne concernent pas l'aéronef en question. - Un pilote-propriétaire
qui peut réaliser lui-même certaines tâches et notamment l'installation des pièces conformément à l'annexe Vb - Section A - Subpart H du règlement EU 1321/2014. La liste complète des tâches est disponible dans l'appendice II de l'annexe Vb et se nomme "Limited Pilot-owner maintenance"
ℹ️ Pour résumer ce chapitre:
Seuls les organismes agrées de production (Part-21 G) peuvent émettre des certificats sur des pièces neuves. Les organismes de maintenance Part-CAO et Part-145 sont habilité à délivrer les certificats (ex: Form 1) uniquement sur des pièces usagées. Qu'il s'agisse d'organismes Part-21 G, Part-CAO, Part-145, les trois ont la possibilité d'installer les pièces.
Un mécanicien indépendant ou un pilote-propriétaire ne peuvent pas émettre de certificats libératoires ou les signer mais sont habilités à installer les pièces sur l'aéronef en se servant de la documentation adéquate (AMM, CMM etc.) et sous certaines conditions (voir plus haut).
Les certificats
Depuis le début de cet article, nous évoquons les Certificats Libératoires. Quels sont ces documents, et quelles sont leurs équivalences - nous allons le voir dans cette section.
ℹ️ Définition:
Un certificat libératoire est un document officiel certifiant qu'un produit, une pièce ou un composant inscrit provient d'un fournisseur agréé pour la production (Part-21 G) ou l'entretien (Part-CAO, Part-145). Il atteste que la pièce a été fabriquée conformément à des données de conception approuvées et/ou qu'elle a été entretenue, inspectée ou remise en service conformément aux exigences réglementaires applicables.
- EASA Form 1
est un certificat libératoire européen approuvé EASA. Comme évoqué précédemment il peut être émis par un organisme de production (Part-21 G) essentiellement pour des pièces neuves ou par un organisme d'entretien (Part-CAO, Part-145) pour les pièces réparées/remises en état. Sans ce certificat libératoire une pièce ne peut être installée sur un aéronef en Part-ML. Voici un exemple d'une EASA Form 1:
Sur ce document nous retrouvons les informations suivantes:
1. Le nom et le pays de l'autorité qui a la responsabilité du présent certificat2. L'en-tête du document3. Le numéro du document qui doit être unique et propre à la procédure de l'organisme émetteur4. Le nom de l'organisme émetteur et son adresse5. Le numéro de l'ordre de travail, contrat ou éventuellement le numéro de la facture6. Numéro de la pièce (dans le cas où le certificat couvre plusieurs pièces)7. Description de la pièce. De préférence une description issue de la documentation certifiée (IPC, AMM, SB etc.)8. Le Part Number tel qu'il apparaît sur le la pièce ou le packaging9. La quantité des pièces10. Le numéro de série. Si pas de numéro de série alors mettre N/A.11. L'état de la pièce parmi: 'New', 'Overhauled', 'Repaired', 'Inspected/Tested', 'Modified'12. Remarques pertinentes. Ex: 'repairs carried out', 'see life limited parts status' etc. Si pas de remarques alors mettre 'None'13a Ce bloc concerne uniquement les pièces neuves (13a-13e)14a Ce bloc concerne les pièces réparées ou usagées et le règlement applicable14b La signature de la personne qui a inspecté et qui assure la qualité de la pièce14c Le numéro d'approbation ou d'autorisation (délivré par l'autorité)14d Nom de la personne qui signe dans le block 14b14e La date au format dd/mmm/yyyy. Exemple: 12/sep/2025
Le développement de la coopération inter-autorités (entre plusieurs pays) a abouti à des signatures des accords dits 'bilatéraux' et a ainsi apporté la possibilité de se procurer des pièces fabriquées en dehors de l'espace EASA mais toutefois compatibles avec les normes imposées par l'EASA. On peut citer l'accord entre l'EASA et le Brésil (ENAC) ou encore celui entre l'EASA et le Canada (TCCA). Mais le plus marquant reste sans doute celui entre l'EASA et la FAA (États-Unis). C'est l'accord le plus complet et le plus ancien. Cet accord traite notamment de l'acceptation des pièces et composants via le certificat 8130-3:
- FAA Form 8130-3
est un certificat libératoire américain approuvé par la FAA. Son contenu est très similaire à celui de l'EASA Form 1. Il est accepté dans certains cas grâce aux accord bilatéraux évoqués plus haut.
❗ Certaines pièces peuvent nécessiter une FAA Form 8130-3 Dual Release dans le cas d'un moteur/composant usagé conformément à l'accord bilatéral en vigueur. Cela signifie que le certificat Form 8130-3 couvre à la fois les exigences FAA et EASA. Ce principe s'applique également à d'autres certificats étrangers. Le tableau avec les certificats libératoires et leurs équivalences est disponible sur le site de l'EASA (FAQ n.66700) ou dans les liens de cet article.
❗La Dual Release n'est pas acceptable dans le cas d'un moteur/composant dit 'rebuild' avec cette mention reportée sur le certificat en question. En effet L'EASA reconnait uniquement le terme 'rebuild' comme étant une révision effectuée par le constructeur et non par un atelier de maintenance. - CoC
est un type de certificat de conformité qui n’est pas régi par le règlement mais qui peut être accepté pour des pièces fournies directement par le constructeur si cela est précise dans les instructions de maintenance (ICA). Il couvre le plus souvent des pièces standards que nous allons voir juste en dessous. - Pièces standard
et consommables tels que les vis, écrous, joints, rondelles ne nécessitent pas forcément de documents libératoires à condition qu'ils soient définis dans les ICA/AMM et qu'ils proviennent d'une source identifiée. Un CoC est souvent fourni avec de telles pièces. - Pièces PMA/PDA
introduits par la FAA représentent un moyen alternatif dans le cas où une pièce n'est plus produite par le constructeur ou impossible à obtenir auprès de ce dernier. Ce type de pièce est reconnu si :
- la modification ne concerne pas un élément critique, ou si
- l'installation n'est pas documentée via une FAA Form 337, s'il s'agit d'un STC.
Si ces conditions ne sont pas remplies, une approbation de l'EASA est nécessaire via un STC en respectant les accords bilatéraux. Nous vous invitons à consulter également notre article sur les modifications.
ℹ️ A retenir : les pièces en provenance des pays autres que ceux de l'EASA avec lesquels il existe un accord bilatéral sont accompagnés de certificats libératoires reconnus permettant l'installation sur un appareil EASA. Néanmoins il faut bien vérifier les accords.
⚠️ Dans le cas ou une pièce est fournie sans le certificat équivalent ou une lettre d'approbation il faut éviter à tout prix son acquisition ou pire le montage sur un aéronef.
Conclusion
Comme nous l'avons vu dans ce guide, l'installation d'une pièce peut soulever beaucoup plus de questions qu'il ne le paraît. C'est pourquoi avant tout projet d'acquisition ou d'installation d'une pièce sur un aéronef léger, trois questions essentielles doivent être posées:
- Qui est habilité à effectuer l'installation (organisme, mécanicien indépendant ou le pilote-propriétaire) ?
- Quel document accompagne la pièce (EASA Form 1, FAA Form 8130-3, CoC etc.) ?
- Est-ce que ce document est bien reconnu pour être monté sur un aéronef EASA ?
Si le certificat libératoire (ex: Form 1) provient d'un pays non-membre de l'EASA il est fortement conseillé de consulter les accords bilatéraux en vigueur. Vous pouvez également faire appel à notre expertise en nous contactant. En respectant ces grands principes vous aurez à la fois la garantie de la conformité réglementaire et le maintien de la navigabilité de votre appareil.
Références et liens
- Livre: "ENTRETENIR SON AVION SOI-MÊME. Comprendre la navigabilité."
Par John Curtiss, éditions JPO. - Lexique et terminologie utilisée - AeroBridge
Lien - Easy Access Rules for Continuing Airworthiness
Lien - Authorised Release Certificate EASA Form 1
Lien - FAQ n.19466 de l'EASA (Form 1)
Lien - Form FAA 8130-3 - Authorized Release Certificate
Lien - FAQ n.43770 de l'EASA (Dual release)
Lien - FAQ n.19371 de l'EASA (Form 337)
Lien - FAQ n.66700 de l'EASA (Liste des certificats libératoires acceptés)
Lien

